L'intérêt de l'enfant: notion insaisissable propre à favoriser l'arbitraire judiciaire ?
Par Ken Jafland le lundi 2 septembre 2019, 15:08 - Droits des parents et des enfants - Lien permanent
C'est la notion clé: « dans toutes les
décisions qui concernent les enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être
une considération primordiale ». C'est ainsi que
toutes les décisions judiciaires en matière familiale se doivent de prendre en
compte l'intérêt de l'enfant. Et parallèlement, de nombreuses personnes ou
associations prétendent agir pour défendre cet intérêt.
Mais cette notion n'est pas définie, ce qui conduit
chacun à l'appréhender en fonction de sa propre personnalité, de sa propre
subjectivité... ce qui peut amener à une forme d'arbitraire. Car lorsqu'une
trop grande subjectivité pénètre dans les débats judiciaires, qui par principe
devraient être guidés par une totale impartialité, l'arbitraire est très
proche... Cette situation préoccupante a été analysée depuis plus de 30 ans par
les plus éminents juristes, notamment
par le Doyen Jean Carbonnier.
Ne serait-il pas temps de préciser la notion pour éviter cette critique ? Est-il possible de continuer à accepter que toutes les décisions familiales, qu'il s'agisse de résidence des enfants, mais aussi lors de placements d'enfants, soient rendues avec une "apparence" de motivation en prétendant caractériser l'intérêt de l'enfant, alors qu'en réalité cette notion est subjective et propre à favoriser l'arbitraire judiciaire ?
Comme le fait remarquer le Professeur Gobert, c'est en réalité la personnalité du Juge qui connaitra le dossier qui va s'exprimer dans la décision rendue. Est-il acceptable que la Justice en matière familiale soit rendue non pas en fonction d'une règle de droit suffisamment définie pour être applicable équitablement à tous, mais en fonction de la personnalité du Juge qui connaitra le dossier ?
Le témoignage d'un parent évincé de la vie de son enfant au nom de l'intérêt de son enfant ( ! ) , est mis en fin de billet afin de bien illustrer toute la subjectivité qu'il y a pour déterminer cet intérêt.
I) La notion d'intérêt de l'enfant dans la justice familiale:
1) l'intérêt de l'enfant est la clé des décisions judiciaires concernant les enfants rendues en matière familiale:
- La Loi le prévoit: en application de l’article 373-2-6 du code civil, lorsque le juge aux affaires familiales statue sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale par les deux parents séparés, il doit veiller « spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs ».
L’intérêt supérieur de l’enfant prime toute autre considération (v. par exemple : 1ère Civ., 18 mai 2005, B. n° 211 ; 1ère Civ., 14 juin 2005, B. n° 245 ; 1ère Civ., 13 juillet 2005, B. n° 334 ; 1ère Civ., 22 novembre 2005, B. n° 434 ; v. également : 2ème Civ., 24 février 1993, B. n° 76 ; 2ème Civ., 18 juin 1997, B. n° 190).
- le Droit international le prévoit aussi dans la CIDE (Convention Internationale des Droits de l'Enfant) , et la Cour de cassation, qui est la plus haute juridiction française, veille à faire appliquer cette Convention.
Ainsi, la Cour de cassation a rappelé, en application de l’article 3.1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 ( = la CIDE Convention Internationale des Droits de l'Enfant),
« dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale » (1ère Civ., 18 mai 2005, B. n° 212 ; 1ère Civ., 8 novembre 2005, B. n° 404).
2) Mais la notion d'intérêt de l'enfant est analysée depuis plus de 30 ans par les plus éminents juristes, comme propre à favoriser l'arbitraire judiciaire.
a) On rappellera ainsi ce qu'exprimait lors d'un colloque de la Cour de cassation, Michelle Gobert, Professeur émérite de l'Université Paris II, Panthéon-Assas au sujet de la notion d'intérêt de l'enfant et de l'interprétation de cette notion par les Juges:
"Le droit de la famille dans la jurisprudence de la Cour de cassation" Par Michelle Gobert, professeur émérite de l’Université Panthéon-Assas (Paris II) LIRE CET ARTICLE CLIQUER ICI ( Colloques de la Cour de cassation 2006 > Cycle Droit et technique de cassation 2005-2006 Neuvième conférence Le droit de la famille dans la jurisprudence de la Cour de cassation 11 décembre 2006 > Intervention de Mme Gobert)
" ... En 1971, j’avais écrit que l’on devait se référer à l’intérêt de l’enfant avec prudence, tant cette notion, parfaitement fuyante est propre à favoriser l’arbitraire judiciaire. Aujourd’hui, il s’agit d’une réflexion sur la notion elle-même et c’est sans doute parce que celle-ci est difficile à cerner que la première chambre civile est revenue sur sa jurisprudence antérieure en décidant, par un arrêt de rejet et un arrêt de cassation en date du 18 mai 2005, l’application directe en droit interne de la Convention internationale des droits de l’enfant...
Lorsque les textes français font état de l’intérêt de l’enfant, ne serait-ce donc pas le meilleur ? On ne peut pas ne pas reprendre ici ce qu’en disait le doyen Carbonnier: « C’est une notion clé qui a fait l’objet d’utiles analyses doctrinales (citant plusieurs thèses) et d’une remarquable recherche de psychosociologie (faisant allusion à une étude d’I. Théry, in Du divorce et des enfants). Conclusion (que j’ai depuis longtemps beaucoup appréciée) : la clé ouvre sur un terrain vague. La notion est insaisissable ». L’intérêt supérieur de l’enfant, s’il doit donc ajouter quelque chose, c’est de fournir une clé qui ouvre sur un terrain…encore plus vague. L’intérêt de l’enfant me fait irrésistiblement penser à cette géniale définition du chandail par un humoriste : le vêtement que l’enfant porte lorsque sa mère a froid....L’intérêt de l’enfant est donc celui que détermine le juge, le plus objectivement possible, au vu des éléments qui lui sont soumis (quelquefois trompeurs par rapport à la psychologie de l’enfant), alors, en réalité, que c’est la personnalité du juge (et c’est totalement différent) qui est là dans ce genre de dossier, beaucoup plus que dans les autres, personnalité qui se détermine telle qu’elle s’est elle-même constituée depuis sa naissance, c'est-à-dire en rapport avec sa propre enfance. Il ne saurait en être autrement. C’est pourquoi la remarque est neutre, elle relève d’une constatation, assez élémentaire, dont il faut seulement prendre conscience..."
b) le rapport déposé en octobre 2009 par Monsieur le Député Jean Leonetti, aborde la notion d'intérêt de l'enfant (p. 33) : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/094000484/index.shtml
" ...
« Notion magique » (1) à « contenu variable » (2), « insaisissable, fuyante, changeante » (3), l’intérêt de l’enfant ressemble à une « boîte où chacun met ce qu’il souhaite trouver » (4).
C’est pourtant cette notion, que la loi elle-même a renoncé à définir, qui sous-tend désormais la logique de l’exercice de l’autorité parentale. Le Doyen Carbonnier avait à ce titre souligné le danger de l’utilisation d’une notion si difficile à cerner : « Rien de plus fuyant, de plus propre à favoriser l’arbitraire judiciaire » (5). Selon lui, l’intérêt de l’enfant est une notion à contenu variable en raison de la diversité des interprètes de cette notion : les parents, le juge aux affaires familiales, le législateur et, dans une moindre mesure, les grands-parents et les enfants eux-mêmes. ..."
Les références en jurisprudence:
(1) Jean Carbonnier, note sous cour d’appel de Paris, 30 avril 1959, D. 1960.673, spéc. P. 675.
(2) Jean Carbonnier, « Les notions à contenu variable dans le droit français de la famille », in C. Perelman et
R. Vander Elst, Les notions à contenu variables en droit, Bruxelles, 1984, p. 99, spéc. p. 104.
(3) O. Bourguignon, J.-L. Rallu, I. Théry, Du divorce et des enfants, INED, 1985, p. 34, par I. Théry.
(4) F. Dekeuwer-Défossez, « réflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille », revue
trimestrielle de droit civil, 1995, p. 249, spéc. p. 265.
(5) Jean Carbonnier, note sous cour d’appel de Paris, 30 avril 1959, D. 1960.673, spéc. P. 675.
c) Pierre Verdier, ancien directeur de DDASS, avocat au barreau de Paris dans une analyse de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 relative à la protection de l'enfance, aborde lui aussi la notion d'intérêt de l'enfant qu'il qualifie d'alibi:
(voir en page 9 du document)
" La loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 relative à la protection de l'enfance : Une avancée de la protection, un recul des droits".
Extrait d'un article paru dans le Journal du Droit des Jeunes.
" 2.1- L'alibi généralisé de la notion de l'intérêt de l'enfant
(...) Mais cet appel est dangereux car il permet tout. L'intérêt de l'enfant, on le sait, est un concept mou. C'est une notion très subjective, qui peut être toujours invoquée pour justifier toutes les pratiques.
Déjà en 1960, le doyen Carbonnier écrivait : C'est la notion magique. Rien de plus fuyant, de plus propre à favoriser l'arbitraire judiciaire. Il est des philosophes pour opiner que l'intérêt n'est pas objectivement saisissable et il faudrait que le juge décide de l'intérêt d'autrui! L'enfance est noble, plastique, et n'a du reste de signification que comme préparation à l'âge adulte : de ce qui est semé dans l'enfant à ce qui lèvera dans l'homme, quelle pseudo-science autoriserait le juge de prophétiser".
Or cette loi en fait un usage immodéré. Et presque chaque fois que le code invoque l'intérêt de l'enfant, c'est pour le priver d'un droit. "C'est pour ton bien" disaient les vieux pédagogues pour châtier et justifier leur violence...
(...) Claire Neirinck, relevant la confusion des nouvelles notions écrit "la nouvelle notion d'enfants en danger ou risquant de l'être est certes simplificatrice mais à l'excès. Non seulement elle conforte la désignation des parents comme principaux responsables de la situation de l'enfant, mais encore elle induit une confusion totale entre l'aide sociale qui est un droit reconnu aux familles en difficulté et leur contrôle".
2.4 - Les possibilités accrues de mise à l'écart des familles
Cette loi consacre une revanche des nostalgiques de l'Assistance Publique du XIX° siècle. Une revanche sur les acquis de 1984 et 1986, les acquis de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant, les avancées de la loi du 2 janvier 2002, qualifiées de "vision familialiste traditionnelle selon laquelle aucun placement d'enfant fut-il le meilleur, n'égalera jamais la pire des familles"; une contestation, selon eux salutaire de "la toute puissance des parents face à l'enfant" pour y substituer la toute puissance administrative ou médicale."
d) La notion de l'intérêt de l'enfant a été récemment abordée le 18/11/2009 lors de l'anniversaire des 20 ans de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant, à l'occasion d'un colloque à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris ( = Sciences Po Paris).
Lors de ce colloque étaient notamment présents:
- les deux défenseurs des enfants (l'ancienne Claire Brisset et l'actuelle Dominique Versini)
- M. le Sénateur Robert Badinter
- JP Rosenczveig, Président du Tribunal pour enfants de Bobigny
- Isabelle Debré, sénatrice, Administrateur de l'asso de défense des enfants "l'enfant bleu"
- Richard Descoings, directeur de Sciences Po Paris
- Philippe Meirieu, pédagogue ( dont la pensée est remarquable, je conseille à tous d'aller voir son site ICI)
- Claire Neirinck professeur de droit
Lors de ces débats de très grande qualité, la notion d'intérêt de l'enfant a été abordée:
L'intérêt de l'enfant est toujours la notion clé qui doit déterminer toute décision concernant les enfants, mais tous les intervenants ont convenu que c'était une notion floue et non définie, ouvrant la porte à toutes les interprétations. Notamment, M. Badinter a rappelé que cette notion est un concept mou.
3) comment tenter d'échapper à la subjectivité de cette notion d'intérêt de l'enfant:
en veillant au respect du principe d'une réelle motivation des décisions des juges du fond, car le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond quant aux faits des dossiers, n'est pas un pouvoir discrétionnaire, et ne les dispense pas de l'obligation de motiver leurs décisions. L'exigence de motivation des décisions des juges du fond (c'est à dire des JAFs et surtout des Cours d'appel) sera analysée dans un prochain billet.
Mais il est bien évident que c'est surtout au législateur qu'il revient de définir les contours de cette notion et notamment de préciser que l'intérêt supérieur de l'enfant passe par des relations régulières et effectives avec ses deux parents. Sauf à accepter que les décisions judiciaires continuent pour les décennies à venir à se baser sur un concept mou, flou, et propre à favoriser l'arbitraire judiciaire ?
II) Le témoignage d'un parent évincé (et une résidence alternée rejetée au prétexte de refus de l'autre parent) au nom d'une vision bien subjective - arbitraire ? - de l'intérêt de l'enfant:
Ce témoignage est issu d'un dossier réel (les noms, prénoms dates et lieux sont modifiés pour préserver l'anonymat des personnes).
A chacun de se faire une opinion des différentes
façons d'appréhender la notion "d'intérêt de l'enfant" à partir de ce
témoignage, qui par définition est nécessairement subjectif mais pour lequel
les faits décrits sont assez clairs.
Ce témoignage soulève la question de documents qui
avaient été fournis au Juge, qui finalement n'en tient pas compte. Il faut
savoir que c'est là le pouvoir souverain des Juges du fond que d'apprécier
quels éléments lui semblent probants et de nature à emporter sa conviction, ou
non. Mais encore faut-il que le Juge motive bien pourquoi il retient tel
élément plutôt que tel autre, car même si le Juge n'est pas tenu de rentrer
dans le détail de l'argumentation des parties, il existe une jurisprudence
constante de la Cour de cassation sur le fait que les Juges du fond ( par
exemple, un JAF) doivent suffisamment motiver les décisions qu'ils
prennent.
C'est le témoignage, sous forme de lettre ouverte,
d'une mère qui a dans un premier temps mis en œuvre une résidence alternée,
remise ensuite en cause au nom de l'intérêt de son enfant par un Juge qui a
estimé que ce n'était pas là l'intérêt de l'enfant et qui a finalement décidé
de fixer la résidence de l'enfant chez son père.
" ... Rien que du grand classique à raconter.
Une résidence alternée refusée comme bien souvent.
Comme vous tous qui vous battez pour avoir le droit
d'être un vrai parent, je suis désespérée. J'ai fait appel mais je me demande à
quoi ça sert.
Le JAF de toute façon ne lit pas le dossier. Il prend sa décision
puis va chercher dans le dossier les éléments pour justifier sa
décision.
J'ai fourni des documents qui contredisent ce que le JAF affirme.
C'est bien la preuve que leur décision est prise avant de lire le
dossier.
Aujourd'hui, j'ai envoyé un courrier à la défenseure des enfants avec copie au
président de la République, la ministre de la justice, le ministre et la
secrétaire d'état à la famille ainsi qu'au médiateur de la
République.
En voici le contenu:
Madame la Défenseure des enfants,
Je tiens à vous faire part de mon indignation, de ma colère et surtout de mon
désespoir face à la justice de notre pays qui ,une fois de plus, bafoue les
droits d’un enfant, en l’occurrence ma fille Myriam âgée de trois ans , en
refusant d’accorder une résidence alternée pourtant effective depuis plus d’un
an et demi et qui de surcroît fonctionne.
Par jugement du 10 juin 2009, le Tribunal de Grande Instance de M... a
décidé de fixer la résidence de Myriam chez son père puisque ce dernier
s’oppose à la résidence alternée.
En France, Madame la Défenseure des enfants, un parent décide avec la
bénédiction de la justice et l'autre parent subit avec la bénédiction de la
justice.
En France, Madame la Défenseure des enfants, un parent peut décider que l'autre
parent ne participera pas à l’éducation de son enfant, un père peut bafouer
l’autorité parentale avec la bénédiction de la justice.
En France, Madame la Défenseure des enfants, un parent peut s’opposer à une
résidence alternée qui fonctionne même s'il n’a pas d’argument valable avec la
bénédiction de la justice.
En France, Madame la Défenseure des enfants, un parent peut mentir à la
justice, baser sa défense sur le dénigrement de la partie adverse, ne pas
respecter l’image et la place de l’autre parent auprès de l’enfant et malgré
tout obtenir ce qu’il désire avec la bénédiction de la justice.
Il me semblait, mais peut-être suis-je un utopiste, que pour déterminer le mode
de garde lors de divorce ou de séparation, la justice devait prendre en compte
avant tout l’intérêt de l’enfant.
Je vais donc vous expliquer comment
Madame le Juge aux affaires familiales appréhende l’intérêt de l’enfant pour
rendre un jugement qui va conditionner la vie d’une petite fille de trois
ans.
Tout d’abord, oublions les responsabilités puisque dans notre société il est
interdit d’interdire.
Alors, Monsieur peut tromper sa compagne sous son propre toit avec la nounou, monsieur peut abandonner sa fille pendant près d’un mois pour s’adonner à sa relation extraconjugale, monsieur peut aller coucher chez son amante avec sa fille d’un an sans prendre aucune précaution, monsieur peut faire garder sa fille par son amante qu’il ne connaît que depuis quelques semaines.
Madame le Juge aux affaires familiales ne trouve pas
cela choquant.
Par contre, quand Madame le Juge aux affaires
familiales apprend que la maman est allée consulter une psychologue avec sa
fille pour savoir si ces évènements auraient pu la perturber, elle trouve cela
choquant et irresponsable.
Malgré une séparation pas très élégante, le papa de Myriam et moi-même nous
mettons d’accord en septembre 2007 sur le principe d’une résidence
alternée effectivement mise en œuvre. Cette résidence alternée perdure
depuis.
A propos de l’adaptation de Myriam dans ce rythme de
vie, je vous livre les témoignages que le papa a fournis aux débats pour
remettre en cause ce mode de garde :
« Que suite à la séparation de ses parents […] Myriam
semble être parfaitement heureuse, éveillée et sereine […] elle parait être une
enfant équilibrée, épanouie […] ».
« Myriam se porte très bien. Très éveillée et équilibrée, elle s’est très bien
adaptée à sa nouvelle vie […] ».
« Cette nouvelle vie ne semble en rien la perturber. »
Donc, puisque malgré la séparation de ses parents, Myriam va parfaitement bien
dans son nouveau mode de vie, il convient pour son papa et pour Madame le Juge
aux affaires familiales de tout changer, de modifier ses repères et de mettre
en péril l’équilibre émotionnel d’une enfant de trois ans.
Pour justifier sa décision, et puisqu’il faut bien trouver un prétexte, Madame
le Juge aux affaires familiales est donc allée à la recherche d’un fait nouveau
pour tout changer. Et le fait nouveau sorti du chapeau est :
« sa scolarisation (de Myriam), à compter de la prochaine rentrée scolaire,
constitue un élément de fait nouveau affectant son rythme de vie… »
« … et dans l’intérêt de Myriam de bénéficier d’un rythme de vie stable et
régulier……il convient de fixer la résidence de l’enfant au domicile de son
père… »
Donc Madame le Juge aux affaires familiales, dont le seul souci est d’agir dans
l’intérêt de l’enfant bien évidemment, décide à un moment important de la vie
de Myriam qui est l’entrée en maternelle de lui modifier tous ses repères. Il
convient de rajouter qu’en plus de ne plus voir sa maman que quatre jours par
mois, qu’en plus de rentrer à l’école maternelle, au même moment le papa de
Myriam a décidé de déménager.
Je suis moi même par profession, spécialisée dans le suivi des nourrissons et
des enfants en bas âge. Certes, je ne suis pas titulaire d’un doctorat en
psychothérapie, mais je peux remarquer qu’un enfant en bas âge à besoin de
repères, de sécurité et de stabilité pour se construire et poursuivre
correctement son développement psycho-affectif.
Enfin, toujours pour justifier son jugement, Madame le Juge aux affaires
familiales prétend qu’il existe un conflit parental tel que la résidence
alternée ne peut pas être mise en place.
Madame le Juge aux affaires familiales est tellement convaincue de cela qu’elle
propose que dorénavant je puisse voir Myriam deux week-ends par mois et un soir
par semaine.
Avec ce mode de garde, le papa de Myriam et moi-même allons nous rencontrer
entre 12 et 14 fois par mois. Alors qu’avec la résidence alternée, nous nous
rencontrons 8 fois par mois.
Je me permets donc de déduire, mais peut-être encore une fois quelque chose
m'échappe, que Madame le Juge aux affaires familiales instaure une situation
susceptible d’attiser le conflit ce qui n’est pas très vertueux quand on occupe
une place avec de telles responsabilités.
Madame la Défenseure des enfants, pouvez-vous, s’il vous plait m’expliquer, ce
qu’il faut faire pour que la loi soit respectée dans notre pays
?
La loi de notre pays prévoit que la résidence
alternée puisse être mise en place quand tous les critères affectif, matériel,
géographique et moral sont respectés ce qui est le cas en
l’espèce.
Aujourd’hui, alors que ni la loi, ni la jurisprudence
n'imposent l'absence de conflit parental pour mettre en place une résidence
alternée des enfants, le Juge aux affaires familiales refuse quasiment
systématiquement ce mode de garde sous prétexte qu’il existe un conflit
parental. Il est alors loisible à un parent de créer des incidents pour
tenter d'empêcher la mise en place de ce mode de résidence prévu par la
loi.
Madame la Défenseure des enfants, pouvez-vous m’expliquer ce que représente
aujourd’hui aux yeux de la justice un parent devenu secondaire sur décision de
justice ? Juste un carnet de chèque qui règle la pension alimentaire une fois
par mois et en échange de quoi on octroie à son enfant, ô grande bonté, le «
droit de visite(r) » quatre jours par mois ? Quelle horreur
!!!
Madame la Défenseure des enfants, prendre la décision d’avoir un enfant est une
décision importante et qui engage la responsabilité des parents. Aujourd’hui,
la justice de façon arbitraire me retire le droit de pouvoir éduquer mon
enfant, de pouvoir être à ses côtés pour partager ses joies et l’épauler dans
ses peines, de lui transmettre les valeurs profondes en lesquelles je
crois.
A une époque où le législateur prévoit des lois pour sanctionner les parents
qui fuient leurs responsabilités dans l’éducation de leurs enfants, on refuse à
un parent qui souhaite assumer les siennes de pouvoir le
faire.
Madame la Défenseure des enfants, prenez, s’il vous
plait, quelques minutes de votre temps pour m’expliquer que ces décisions sont
justes et normales et que notre pays cautionne tout cela.
Aujourd’hui, je suis désespérée parce que la justice
de mon pays bafoue les droits de ma fille d’aimer de façon égale son papa et sa
maman.
Il y a quelques temps, l’histoire de la petite Elise
a bouleversé la France entière et fait la une des journaux télévisés et de la
presse écrite pendant plusieurs semaines. Beaucoup de personnes se sont émues
de la situation, mais maintenant que cette affaire ne fait plus la une de
l’actualité, les choses continuent comme avant, rien ne change. Nous sommes des
milliers de parents en France à souffrir parce que la justice nous refuse juste
le droit d’être un parent à part entière.
Ne me dîtes tout de même pas qu’il est nécessaire d’enlever son enfant, de s’enchaîner à un palais de justice ou encore de faire une grève de la faim, juste dans l’espoir qu’un Juge aux affaires familiales prenne le temps d’écouter réellement ce qu’un parent aimant désireux de jouer son rôle, a à dire.
S’il vous plait, Madame la Défenseure des enfants, ne restez pas sans rien
faire face à de tels drames qui détruisent des enfants et des familles
entières, et qui bafouent les droits les plus élémentaires d’un être
humain.
Dans l’espoir d’une réponse de votre part, je vous
prie d’agréer, Madame la Défenseure des enfants, l’expression de mes sentiments
les meilleurs. "
Commentaires
Bonsoir,
dans quelle mesure peut-on saisir le JAF, plus de 6 mois après le divorce, pour obtenir une médiation dans une relation parentale qui s'oriente vers le conflit ? Mon ex-épouse refuse la médiation, que je souhaite pour apaiser la situation (deux filles de 12 et 14 ans en garde alternée). Puis-je saisir le Jaf uniquement pour demander cette médiation, et avec quels arguments ?
Merci d'avance.
EFP
Ken:
si vous saisissez le JAF, sachez qu'il ne peut qu'inciter à la médiation, mais pas y obliger. Cependant, le JAF pourra tirer les conséquences du refus de celui ou de celle qui ne jouerait pas le jeu.
Mais si votre ex ne veut pas de médiation, on peut penser que la saisine du JAF sera une occasion pour elle (et peut être aussi pour vous) de conflictualiser encore plus votre relation avec vos filles, et de formuler des demandes reconventionnelles encore bien plus défavorables (demande d'arrêt de la résidence alternée à prévoir).
L'équilibre est très dur à trouver, et ne comptez pas sur ce qui sera un procès judiciaire pour retrouver une sérénité, au contraire, la justice est là pour trancher et elle ne prend pas le temps de faire dans la nuance. Et il est bien connu que si un JAF voit qu'une RA est conflictuelle, il aura souvent tendance à la casser pour confier la résidence à l'un des deux, et statistiquement ce ne sera pas à vous.
Pour conclure, à mon avis , faites votre possible pour éviter la justice familiale, même si c'est au prix de concessions avec votre ex qui vous semblent difficiles. Vous entendrez surement des discours qui vous diront que vous avez tort de ne pas "attaquer", que c'est inadmissible que vous preniez tant sur vous, etc... mais ce ne sont pas ceux qui vous pousseront au conflit judiciaire, qui auront à gérer tout le conflit familial encore plus lourd qu'une saisine jaf opère systématiquement, avec le lot de dégâts que cela occasionne aux enfants de voir leurs parents se déchirer par justice et avocats interposés, d'autant plus si à la base votre ex est déja dans une logique conflictuelle. Essayez plutôt de comprendre les ressorts profonds qui font que le conflit perdure encore, faites vous éventuellement aider par un bon médiateur ou psychologue pour qu'un œil extérieur analyse la situation de la façon la plus neutre possible afin de tenter de trouver ce qui pourrait apaiser au lieu de rentrer dans la logique du judiciaire, qui est très guerrière. A vous de voir...