Résidence alternée et intérêt de l’enfant : regards croisés des magistrats (AJ Famille juillet 2021)

AJFamille-juillet2021.jpg, août 2021Après l'analyse remarquable d'Amboise Debussy qui interrogeait sur la prise en compte du genre dans les litiges d'affaires familiales (étude que l'on retrouve ICI) , une nouvelle étude très approfondie sur la résidence alternée et l'intérêt de l'enfant vient d'être publiée à l'Actualité Juridique Famille des éditions Lefebvre-Dalloz.

Cette excellente étude, qui aborde un des thèmes essentiels du Jafland: l'intérêt de l'enfant, a été réalisée par Bruno Lehnisch, Administrateur des services du Sénat et Conciliateur de Justice à Paris, et rédigée en collaboration avec Caroline Siffrein-Blanc, Maître de Conférences spécialisée en droit de la famille à l’Université Aix-Marseille.

Valérie Avena-Robardet, rédactrice en chef de l'AJ Famille, a eu l'occasion d'interroger Bruno Lehnisch, l'interview étant parue au Dalloz actualité du 20 juillet 2021(l'article est consultable ICI).

Bruno Lehnisch a accepté de nous résumer les points-clés de son étude, ci-dessous reproduits avec son aimable autorisation. Nous publions aussi à la suite deux livres sociologiques soulignant le rôle essentiel de chaque parent dans la construction de l’enfant . Et en fin de ce billet, nous reprenons les récentes études scientifiques internationales de référence qui démontrent tous les bienfaits pour l’enfant de la résidence alternée : il est en effet moins exposé à des risques de problèmes psychologiques ou à une dégradation de ses indicateurs de bien-être, de confiance en soi ou d’estime de soi.

Les points-clés de cette étude de Bruno Lehnisch et Caroline Siffrein-Blanc sur la résidence alternée et l'intérêt de l'enfant:

Les travaux préparatoires de la loi du 4 mars 2002 : la priorité donnée à la résidence alternée

En premier lieu, l’étude est importante car elle analyse de manière approfondie l’esprit de la loi du 4 mars 2002 qui a fait entrer la résidence alternée dans le code civil. La lecture des travaux préparatoires de cette loi souligne que le législateur a entendu privilégier la résidence alternée lorsqu’elle est demandée par un parent, quand bien même l’autre parent s’y opposerait. En effet, le rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale, après avoir souligné que la résidence alternée ne concerne alors que « 1 % des décisions judiciaires », affirme que ce mode de résidence est « l'application concrète du principe de coparentalité ». En conséquence, la commission souhaite que, « en cas de désaccord des parents sur la résidence de l'enfant, la priorité soit donnée à la formule de la garde alternée » (cf. Rapport n° 3117 de M. Marc Dolez, fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, déposé le 7 juin 2001 (www.assemblee-nationale.fr/11/rapports/r3117.asp) ).

La faculté de prononcer une résidence alternée provisoire a été ouverte par cette même loi, à l’initiative du Sénat ( cf. « Le juge peut prendre une décision provisoire et en évaluer les conséquences avant de se prononcer à titre définitif. C'est d'ailleurs ce qui est proposé par votre commission en cas de résidence alternée si l'un des parents est en désaccord avec cette mesure » (rapport n° 71 (2001-2002) de M. Laurent Béteille, fait au nom de la commission des lois du Sénat, déposé le 14 nov. 2001). www.senat.fr/rap/l01-071/l01-071.html) . Elle permet au juge d'imposer la mise en place de la résidence alternée à titre provisoire, en cas de désaccord d'un parent. Là encore, les travaux préparatoires se révèlent éclairants. En effet, le rapporteur du Sénat, Laurent Béteille, lors du débat en séance publique, a indiqué l'objectif de ce mode de résidence : « Il s'agit d'affirmer, dans le code civil, une préférence pour la résidence alternée, que nous avons fait figurer dans le texte avant la résidence au domicile de l'un des parents, mais en faisant montre d'une certaine prudence lorsque l'un des parents est opposé à cette solution ».

En deuxième lecture, la commission des lois de l'Assemblée nationale a regretté que cette disposition « affaiblisse le message du législateur, qui souhaitait généraliser, autant que possible, le recours à ce mode de garde » (la résidence alternée) (cf. Rapport n° 3435 de M. Marc DOLEZ, fait au nom de la commission des lois, déposé le 5 décembre 2001 https://www.assemblee-nationale.fr/11/rapports/r3435.asp ) . En séance publique, les députés ont remplacé l'interdiction faite par le Sénat au juge de prononcer directement à titre définitif une mesure de résidence alternée en cas de désaccord des parents par une faculté reconnue au juge de prononcer une mesure provisoire.

Il ressort donc des travaux préparatoires qu’en votant la loi du 4 mars 2002, le législateur a souhaité que la résidence alternée soit privilégiée en cas d’opposition des parents sur ce mode de garde et qu’à tout le moins, le juge prononce une résidence alternée à titre provisoire.

La subjectivité des juges aux affaires familiales

En deuxième lieu, l’étude note, sans surprise, de fortes disparités dans les approches des juges en matière de résidence alternée, car l’intérêt de l’enfant, s’il est placé au cœur de la motivation des juges, conformément à l’article 373-2-6 alinéa 1er du code civil, n’est défini par aucun texte (voir doyen Carbonnier). Cette situation peut nourrir chez certains justiciables un sentiment d’incompréhension, voire la crainte d’un aléa judiciaire.

Bruno Lehnisch souligne que le juge doit, en matière familiale, peser des intérêts concurrents qu'il lui est très difficile d'apprécier avec certitude. Il exerce nécessairement cette mission avec une part de subjectivité qui résulte de sa sensibilité qui est, elle-même, souvent le fruit de sa propre histoire. Une présidente de chambre au sein du pôle famille de la cour d'appel de Versailles a parfaitement résumé la situation avec lucidité et humilité : « il faut reconnaître que nous, magistrats des chambres de la famille, tranchons les questions familiales en général, en fonction de notre vécu personnel, de notre propre histoire familiale, de nos valeurs, de nos connaissances sur la construction de la personnalité au cours de l'enfance et de l'adolescence et, nécessairement, il y a une part malgré tout de subjectivité ». Ainsi, les motifs de refus de la résidence alternée paraissent variables selon les juridictions. Si certains critères sont largement partagés (bas âge des enfants et éloignement géographique), d’autres semblent faire débat au sein de la communauté judiciaire (opposition des enfants, mésentente entre les parents…).

Les pistes proposées pour réduire la part de subjectivité du juge et garantir ainsi davantage d’égalité territoriale face à la justice familiale :

- développer la collégialité en première instance afin de ne pas figer des situations qu’il est difficile de remettre en cause en appel ; - renforcer la formation initiale et continue des JAF ; - faire du JAF un juge spécialisé au sens du code de l’organisation judiciaire, à l’instar du juge des enfants ; - modifier l’article 373-2-9 du code civil afin de faire expressément de la résidence alternée une modalité de résidence privilégiée de l’enfant, en s’inspirant du code civil belge, modifié en ce sens en 2006. Deux propositions de loi récentes vont dans cette direction.

Pour mémoire:

  • l’étude complète de Bruno Lehnisch et Caroline Siffrein-Blanc est intégrée au dossier « Conflits familiaux » du numéro de juillet/août 2021 de l’AJ famille. Les réponses des magistrats au questionnaire diffusé sont en ligne sur dalloz-revues.fr et dalloz.fr.

Deux études sociologiques soulignant le rôle essentiel de chaque parent dans la construction de l’enfant :

semainesurdeux.jpg, août 2021I) « UNE SEMAINE SUR DEUX » (mars 2021) – Benoit Hachet, sociologue (lien Amazon) Une enquête sur la résidence alternée intitulée « Une semaine sur deux, comment les parents séparés se réinventent » a été publiée en mars 2021. L’auteur, Benoit Hachet, sociologue réputé, lui-même parent alternant pendant 16 ans, a mené de 2011 à 2018 une série d’entretiens avec une quarantaine de parents, mais aussi des juges aux affaires familiales, des avocats, des médiateurs familiaux. Il a également analysé les réponses à un questionnaire en ligne envoyé à un échantillon de 20 000 personnes identifiées comme alternantes par la Caisse nationale des allocations familiales et auquel ont répondu plus de 5000 parents. En cela, l’enquête est inédite et permet de compléter les données statistiques que publie régulièrement l’INSEE sur la résidence alternée. L’étude rappelle qu’aucune étude scientifique ne démontre une contre-indication à la résidence alternée et qu’au contraire les études sur la résidence alternée publiées dans des revues scientifiques démontrent que quel que soit l’âge, les enfants en résidence alternée sont moins exposés à des risques de problèmes psychologiques ou à une dégradation de leurs indicateurs de bien-être, de confiance en soi ou d’estime de soi.

instinctpaternel.jpg, août 2021II) « L’INSTINCT PATERNEL – PLAIDOYER EN FAVEUR DES NOUVEAUX PERES » (2019) – Christine Castelnain-MEUNIER, sociologue au CNRS (CADIS/ EHESS), enseignante à l’École des Psychologues Praticiens. (lien Amazon)

Présentation par l’auteur : « À l’inverse de l’instinct maternel qu’on a glorifié, mythifié voire exalté au nom de la féminité, l’instinct paternel a longtemps été nié, raillé ou tout simplement méconnu. À l’heure où les hommes partagent davantage les responsabilités familiales, où la diversité des modèles familiaux redéfinit la fonction paternelle et où l’éducation bienveillante ouvre de nouveaux horizons, il est urgent de repenser le rôle du père et de bousculer les stéréotypes ! ». Extrait de l’interview de parents.fr : Parents.fr : l’importance du père dans l’éducation des enfants n’est plus à prouver… C.C.-M. : Il est crucial pour l’enfant de se développer avec d’autres voix, d’autres gestes, d’autres peaux que ceux de sa mère. Les échanges de regard entre un père et son bébé sont d’une richesse inouïe. On a marginalisé les hommes de l’univers de la petite enfance, gommer l’instinct paternel en opposant le masculin au féminin. Il faut écrire une nouvelle histoire, que les hommes se battent dans les tribunaux pour pouvoir s’impliquer, parlent de leur situation, sortent de la culpabilité, cherchent des conseils. Et les enfants, garçons et filles, par mimétisme auront bien moins de mal que leurs parents à concevoir l’égalité parentale.


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Etudes scientifiques sur la résidence alternée: https://www.egalite-parentale.fr/etudes-scientifiques/

12 études scientifiques internationales de référence ( https://www.soreau-avocat.fr/droit-des-peres/etudes-sur-la-residence-alternee ) démontrent tous les bienfaits pour l’enfant de la résidence alternée : il est en effet moins exposé à des risques de problèmes psychologiques ou à une dégradation de ses indicateurs de bien-être, de confiance en soi ou d’estime de soi.

• Consensus dit de Richard Warshak (2017) : R. A. Warshak, Stemming the tide of misinformation: International consensus on shared parenting and overnighting. Journal of the American Academy of Matrimonial Lawyers, 30 (2017) Le consensus international dit de Richard Warshak est une méta-analyse des études universitaires publiées ces 50 dernières années, et qui a été validé par 110 experts et praticiens. C'est à ce jour l'une des plus importantes méta-analyse dans ce domaine. Plusieurs années après sa publication, les recommandations du rapport Warshak ont toutes été confirmées par les nouvelles études postérieures. Ce rapport a met en évidence que lorsque l'on cherche à maximiser l'intérêt de l'enfant, il convient de favoriser le partage des responsabilités parentales entre le père et la mère, y compris en termes de nombre de nuitées et y compris pour les jeunes enfants.

• Résidence altérnée : Etude portant sur 164 580 enfants âgés de 12 et 15 ans (2013) : Bergström, M., Modin, B., Fransson, E. et al. Living in two homes-a Swedish national survey of wellbeing in 12 and 15 year olds with joint physical custody. BMC Public Health 13, 868 (2013). Contexte de l'étude : La pratique de la garde physique conjointe, où les enfants passent le même temps au domicile de chaque parent après leur séparation, est en augmentation dans de nombreux pays. Elle est particulièrement courante en Suède, où cet accord de garde s'applique à 30% des enfants dont les parents sont séparés. Le but de cette étude était d'examiner la qualité de vie des enfants et leur santé après la séparation parentale, en comparant les enfants vivant avec les deux parents dans des familles nucléaires à ceux vivant en garde physique conjointe et d'autres formes d'arrangements parentaux. Méthode de l'étude : Les données d'une étude nationale suédoise de 164 580 enfants âgés de 12 et 15 ans ont été analysées par une modélisation de régression linéaire à deux niveaux. Les scores Z ont été utilisés pour égaliser les échelles pour dix dimensions du bien-être à partir de l'indice KIDSCREEN-52 et de l'indice KIDSCREEN-10 et comparés pour les enfants en résidence alternée par rapport aux enfants vivant dans des familles nucléaires et principalement ou uniquement avec un parent. Résultats : Vivre dans une famille nucléaire était positivement associé à presque tous les aspects du bien-être par rapport aux enfants dont les parents étaient séparés. Les enfants en garde physique conjointe ont connu des résultats plus positifs, en termes de bien-être subjectif, de vie familiale et de relations avec leurs pairs, que les enfants vivant principalement ou uniquement avec un parent. Pour les 12 ans, les coefficients bêta de l'humeur et des émotions variaient de −0,20 à −0,33 et les relations avec les pairs de −0,11 à −0,20 pour les enfants en garde physique conjointe et vivant principalement ou uniquement avec un parent. Les estimations correspondantes pour les jeunes de 15 ans variaient de −0,08 à −0,28 et de −0,03 à −0,13 sur ces sous-échelles. Les jeunes de 15 ans en résidence alternée étaient plus susceptibles que ceux de 12 ans de déclarer des niveaux de bien-être similaireaux enfants des familles nucléaires. Conclusions Les enfants qui ont passé un temps égal à vivre avec leurs deux parents après une séparation ont déclaré un meilleur bien-être que les enfants confiés principalement à un seul de leur parent. Cela était particulièrement vrai pour les jeunes de 15 ans, tandis que le bien-être déclaré des jeunes de 12 ans était moins significatif. Il est nécessaire de poursuivre les études qui peuvent prendre en compte le contexte avant et après la séparation des familles individuelles et le bien-être des groupes d'âge plus jeunes en détention physique conjointe.

• Etude portant sur la méta-analyse de 40 études scientifiques sur la résidence alternée (2014) Shared Physical Custody: Summary of 40 Studies on Outcomes for Children, LINDA NIELSEN, Department of Education, Wake Forest University, Winston-Salem, North Carolina, USA, Journal of Divorce & Remarriage, 55:614–636, 2014. Résumé : L'un des problèmes les plus complexes auxquels parents et professionnels impliqués dans les questions liées aux gardes d'enfants est la suivante: quel système de résidence est le plus bénéfique pour les enfants après la séparation de leurs parents? Plus précisément, les résultats sont-ils meilleurs ou pires pour les enfants qui vivent avec chaque parent au moins 35% du temps par rapport aux enfants qui vivent principalement avec leur mère et passent moins de 35% du temps à vivre avec leur père? Cet article aborde cette question en résumant les 40 études qui ont comparé les enfants dans ces deux types de familles au cours des 25 dernières années. Globalement, les enfants en résidence alternée avaient de meilleurs résultats sur les mesures de leurs émotions, le bien-être comportemental et psychologique, ainsi qu'une meilleure santé et de meilleures relations avec leurs pères et leurs mères, avantages qui subsistent même en cas de conflit élevé entre leurs parents.

• Étude enfants belges sur la résidence alternée (2019) Is joint physical custody in the best interests of the child? Parent–child relationships and custodial arrangements, Kim Bastaits, Inge Pasteels, First Published March 31, 2019 Résumé : En ce qui concerne les modalités de garde après un divorce, il y a eu une évolution de la garde exclusive (principalement par les mères) à la résidence alternée après le divorce. Dans certains pays, la résidence alternée est même devenue le principal système de garde légal. On pense que la résidence alternée, qu'elle soit mise en œuvre dans la législation ou non, est dans l'intérêt supérieur de l'enfant, car les enfants peuvent façonner une relation après le divorce avec leur mère et leur père. Néanmoins, de nombreuses études sur la garde physique conjointe se concentrent uniquement sur les résultats des enfants. Cette étude vise à examiner les relations parent-enfant et si la garde physique conjointe fournit un meilleur cadre pour les relations parent-enfant que les accords de garde exclusive. L'étude complète la littérature existante en incluant à la fois la relation mère-enfant et la relation père-enfant. Nous étudions la résidence alternée comparativement à la garde maternelle unique, mais aussi à la garde paternelle unique. En utilisant un sous-échantillon dyadique de parents et d'enfants belges de l'ensemble de données Divorce en Flandre (N = 623), nous comparons deux indicateurs de la relation parent-enfant (communication parent-enfant et parentalité) pour les enfants dont les parents sont mariés, avec les enfants en résidence alternée, la garde maternelle unique et la garde paternelle unique. Les résultats indiquent que les dispositions de garde après le divorce affectent les relations parent-enfant, et que la résidence alternée, par rapport à la garde exclusive (par la mère ou le père), offre un meilleur cadre pour façonner une relation parent-enfant post-divorce avec les deux parents en termes de communications ouvertes et de soutien réciproques.

• Impact du divorce sur les relations entre les enfants et le père (2019) 1225 enfants de 11 à 13 ans Divorce et difficultés relationnelles avec les parents: impact sur la santé et l'estime de soi des adolescents, Eivind Meland, Hans Johan Breidablik , Frode Thuen, 8 décembre 2019 Résumé : L'expérience du divorce de ses parents peut causer des problèmes de santé et d'estime de soi, mais ces conséquences peuvent également être causées par des difficultés relationnelles avec l'un des parents ou les deux. Méthodes: Nous avons étudié l'impact de l'expérience du divorce des parents dans une étude de cohorte longitudinale de deux ans. L'étude a été réalisée entre 2011 et 2013 auprès de 1225 élèves du collège (âgés de 11 et 13 ans en 2011). Nous avons utilisé des analyses logistiques binaires et des analyses de régression linéaire Résultats : L'étude a révélé que l'expérience du divorce dégrade la relation de confiance entre les enfants et les pères. Conclusions: L'étude prouve un effet spécifique sur la perte de liens relationnels entre les pères et les enfants après le divorce ayant des répercussions prédictives sur la santé et l'estime de soi des adolescents au milieu de leur adolescence. Du point de vue de la santé publique, préserver la relation et la confiance entre les enfants et leurs pères après le divorce semble une tâche importante. Extrait : "Les résultats d'une étude longitudinale avec ajustement pour de nombreux facteurs antérieurs au divorce ont révélé les effets bénéfiques de la résidence alternée par rapport à la garde exclusive par la mère. Avec le soutien d'études empiriques, d'autres chercheurs soutiennent également qu'à l'exception des cas extrêmement conflictuels, la résidence alternée semble prévenir les troubles de santé chez les enfants et les adolescents. Par conséquent, un nouveau paradigme du droit de l'enfant a été promu, au travers d'obligations mutuelles des parents pour la garde des enfants. Ce paradigme vise à préserver la confiance et les relations avec les deux parents après le divorce en partageant les responsabilités de la parentalité." • Les conditions de vie des enfants en résidence partagée - l'exemple suédois (2017) 5000 enfants de 10 à 18 ans The Living Conditions of Children with Shared Residence – the Swedish Example, Fransson Emma, Låftman Sara, Ostberg Viveca, Hjern Anders, Bergström, Child Indicators Research, 17 janvier 2017. Résumé : Chez les enfants dont les parents sont séparés, la résidence partagée - c'est-à-dire la garde physique conjointe où l'enfant partage son temps également entre les foyers de deux parents gardiens - augmente dans de nombreux pays occidentaux et est particulièrement courante en Suède. Le niveau de vie global des enfants en Suède est élevé, cependant, les différences structurelles potentielles entre les enfants dans divers arrangements familiaux après la séparation n'ont jusqu'alors pas été suffisamment étudiées. Les risques potentiels pour les enfants en résidence partagée sont liés aux tracas quotidiens et au stress liés à deux foyers. Cette étude vise à étudier les conditions de vie des enfants en résidence partagée par rapport aux enfants vivant avec deux parents gardiens dans le même ménage et ceux vivant avec un parent gardien, respectivement. Les données de l'enquête nationale suédoise recueillies auprès d'enfants âgés de 10 à 18 ans (n ≈ 5000) et de leurs parents ont été utilisées. Les résultats ont été regroupés en: conditions économiques et matérielles, relations sociales avec les parents et les pairs, santé et comportements de santé, conditions de travail et sécurité à l'école et dans le quartier, culture et activités de loisir. Les résultats d'une série de modèles de probabilité linéaire ont montré que la plupart des résultats étaient similaires pour les enfants en résidence partagée et ceux vivant avec deux parents gardiens dans le même ménage, tandis que plusieurs résultats étaient moins bons pour les enfants vivant avec un seul parent. Cependant, peu de différences ont été constatées en ce qui concerne les conditions scolaires entre les enfants en résidence alternée et les enfants vivant chez un seul des parents.

• Les enfants en résidence alternée ont un niveau de stress moins élevé que ceux qui vivent chez un seul de leur deux parents – étude du sociologue suédois Jani TURUNEN – 2017 “This article studies shared physical custody in Sweden, the country in the world where the phenomenon is most prevalent. We ask whether children in shared physical custody settings are more likely to report high levels of stress compared to children living in sole custody. The analysis is based on data with combined information from parents, children, and administrative registers. The models are controlled control for interparental as well as parent–child relationship quality and parents’ income. The results show that children sharing residence equally have lower likelihood of experiencing high levels of stress. The results can be interpreted as evidence for a positive effect of continuing everyday-like parental relationships after a family dissolution”.

• Les familles monoparentales et l’école : un plus grand risque d’échec au collège ? (2012) Laurette Cretin, Bureau des études statistiques sur les élèves de l'éducation nationale, DEPP B1 -Éducation & formations n° 82, décembre 2012, p.51 Extraits : Les études réalisées ces dernières années sur les panels montrent que les enfants de familles monoparentales ou recomposées rencontrent plus de difficultés scolaires que les autres. (..) Les élèves de familles monoparentales redoublent plus fréquemment à l’école élémentaire : le quart d’entre eux a redoublé au moins une fois contre seulement 14 % des écoliers vivant avec leurs deux parents (tableau 1). En particulier, ils sont plus nombreux à avoir redoublé le cours préparatoire. Un écart de réussite encore plus fort s’observe par rapport aux élèves qui sont en garde alternée chez leurs deux parents. (..) Ces premiers constats mettent en évidence une moindre réussite à l’école élémentaire et au collège des enfants de familles monoparentales comparativement à ceux qui vivent avec leurs deux parents. Ce risque plus grand d’échec scolaire réapparaît quand on compare la monoparentalité à d’autres configurations familiales. Ainsi, les enfants vivant en familles recomposées connaissent des difficultés scolaires sensiblement moins importantes que ceux vivant en familles monoparentales. Les élèves vivant en garde alternée chez leurs deux parents connaissent en revanche une meilleure réussite que les autres ( NB : Ceci peut être relié au fait que les parents choisissant la garde alternée appartiennent à des milieux plus favorisés que les autres). reussite-sco-et-structure-famille.jpg, août 2021

• La résidence alternée « produit-elle » de meilleurs résultats pour les enfants? (2018) Sanford Braver Ashley M Votruba, Should Infants and Toddlers Have Frequent Overnight Parenting Time With Fathers? Journal of Divorce & Remarriage, April 2018 Résumé : Les décideurs et les chercheurs se demandent si la résidence alternée produit de meilleurs résultats pour les enfants que la garde exclusive. Bien que plusieurs articles de synthèse résumant jusqu'à 61 articles empiriques apportent des réponses très positives, de nombreux modèles de recherche utilisés compromettent la capacité de prétendre que c'est la résidence alternée en soi - et non les effets de sélection - qui cause l'effet. Nous discutons de plusieurs questions de conception de recherche, telles que l'analyse du score de propension, qui peuvent sonder plus puissamment la question de la causalité. Certaines études ont déjà été menées en utilisant ces stratégies et d'autres sont recommandées et seront probablement bientôt disponibles. Sur la base de cet examen complet, nous concluons que la résidence alternée est probablement bénéfique pour les enfants en moyenne, et considérons que les spécialistes des sciences sociales peuvent désormais recommander provisoirement la résidence alternée jusqu'a preuve du contraire aux décideurs.

• Les enfants à l’épreuve du premier confinement (2021) X. Thierry, B. Geay, A. Pailhé, N. Berthomier, J. Camus, N. Cauchi-Duval, J-L. Lanoë, S. Octobre, J. Pagis, L. Panico, T. Siméon, A. Solaz et l’équipe SAPRIS, Population & Sociétés, numéro 585 • janvier 2021 Extrait : « Les enfants vivant avec un seul parent ont plus souvent des relations dégradées avec lui (26 %) que ceux vivant avec leurs deux parents (15 %), et ce d’autant plus qu’ils ont au moins un frère ou une sœur. Les parents dont les enfants sont en résidence alternée sont quant à eux plus nombreux à déclarer une amélioration de ces relations. (..) Une petite proportion d’enfants, 13 %, ont quant à eux connu des difficultés socio-émotionnelles comme l’isolement, l’anxiété, la difficulté à se concentrer ou l’impulsivité(2). Ces problèmes sont très liés au type de famille et de logement. La proportion d’enfants pré- sentant ce type de difficulté est élevée chez ceux vivant avec un seul parent (27 %) ou en appartement, surtout ceux sans balcon (23 %). Elle est en revanche plus faible chez les enfants en résidence alternée (8 %) ou vivant dans une maison urbaine (11%) : (16 % des enfants ont eu des relations dégradées avec leurs parents. Par rapport à cette moyenne, les enfants vivant avec un seul parent ont des relations plus dégradées (+ 10 points), ceux en résidence alternée moins dégradées (- 3 points). »

• Attachement, séparation parentale et protection de l’enfance : vers un consensus parmi les spécialistes ? par Fabien Bacro / 29 avril 2021 « Attachment and Human Development », la revue officielle de la très influente « Society for Emotion and Attachment Studies » a publié le 11 janvier dernier en open access un article de consensus cosigné par 70 spécialistes de l’attachement. Celui-ci traite de l’utilisation des connaissances issues de cette théorie et des résultats des recherches qui en sont issues dans le cadre des décisions de justice relatives à la protection de l’enfance et au mode de résidence dans les situations de séparation parentale. Quels sont les problèmes liés à l’utilisation de cette théorie et des connaissances qui en sont issues dans les tribunaux compétents en matière familiale ? Que nous apprennent les résultats des recherches réalisées sur l’attachement chez les enfants de parents séparés et faisant l’objet d’une mesure de protection de l’enfance ? Quels sont les points faisant consensus parmi les spécialistes ? Quelles recommandations tirer des connaissances issues de ces travaux ? La question de l’attachement et des applications de cette théorie dans les tribunaux est depuis longtemps source de débats animés parmi les experts. Ainsi, la publication de cet article, qui s’appuie sur une synthèse actuelle des résultats de recherche sur l’attachement, constitue une étape importante dans l’émergence d’un véritable consensus sur le sujet. Ce travail donne aussi l’occasion de clarifier un certain nombre de malentendus particulièrement répandus chez les professionnels. Cet article de consensus, on l’espère, permettra d’éclairer les juges aux affaires familiales et les juges des enfants concernant les conséquences de leurs décisions sur le devenir des enfants. Preuve de l’intérêt porté à cet article, le 10 avril dernier celui-ci avait été consulté plus de 13 600 fois. La relation parent-enfant ne se résume pas à la qualité de l’attachement D’autres dimensions contribuent de manière importante au développement de l’enfant, comme la discipline, la stimulation… D’autres problèmes récurrents sont encore soulevés par les auteurs. Ils déconstruisent le fait de considérer que les enfants sont attachés à leurs parents dès la naissance. Ils regrettent le fait de recourir à l’observation de comportements isolés sans tenir compte du contexte pour évaluer la qualité de l’attachement. Par ailleurs, les auteurs mettent un point d’honneur à souligner que les enfants développent plusieurs relations d’attachement et que cette diversité constitue une véritable chance pour eux. Ainsi, pour les auteurs de cet article, priver les enfants de la possibilité de développer une véritable relation d’attachement avec leur père ne serait certainement pas dans leur intérêt.

Accorder la priorité à l’un des parents pourrait compromettre le développement et le maintien des autres relations d’attachement de l’enfant Dans ce cas, son sentiment de confiance à l’égard des personnes qui prennent soin de lui serait susceptible d’être altéré, impactant durablement sa capacité à s’adapter dans ses différents contextes de vie, comme à la crèche ou à l’école par exemple. Dans la deuxième partie, les auteurs formulent un ensemble de recommandations visant à améliorer l’application des connaissances issues de la théorie de l’attachement dans les tribunaux. Pour cela, ils exposent trois principes fondamentaux issus de ces travaux : • le besoin de l’enfant de nouer des relations avec des figures d’attachement familières et non violentes ; • l’importance, pour l’enfant, de la stabilité de ses relations d’attachement et des soins « suffisamment bons »; • le rôle bénéfique, pour l’enfant, du développement et du maintien d’un véritable « réseau » constitué de plusieurs relations d’attachement. Par ailleurs, les auteurs s’interrogent sur la pertinence des méthodes d’évaluation de la qualité de l’attachement et des comportements parentaux pour éclairer les décisions des juges aux affaires familiales. Enfin, les auteurs concluent leur article en soulignant la nécessité de développer de nouvelles recherches favorisant une approche interdisciplinaire. C’est exactement la démarche dans laquelle nous nous sommes engagés avec la création du CIRPA . C’est pourquoi nous aurons tout le loisir, c’est certain, de revenir sur ces questions dans un prochain billet.

o The situation of single parents in the EU (nov 2020 – Extrait de l’étude du parlement européen – non disponible en Français) : les enfants en résidence alternée sont plus épanouis (« well being ») que ceux vivant principalement chez un des deux parents

“As joint physical custody seems to be an increasingly common family arrangement, at least in parts of Europe, it is a pertinent question how this relates to the well-being of children. There is ample research on this question, and generally it suggests that children fare well in joint physical custody: on a number of indicators of their well-being and development children in joint physical custody fare better than children of separated parents who live only with one parent (sole physical custody) and often on parwith children living with both their parents in the same household. The review of the literature here focuses on country-specific studies, country-comparative studies and meta-analyses .Country-specific studies have the advantage that they can be more detailed, and sensitive to the specificities of the national context. At the same time, however, the measures and procedures used in these studies can vary across countries (and across studies within the same country), which stands in the way of direct comparability of these studies. In addition, the bulk of the country-specific studies on the outcomes for children associated with joint physical custody are from co un t ries in which this family arrangement is more common, making it more difficult to arrive at EU-level lessons. Swedish studies have extensively examined the well-being of children of divorced (or otherwise separated) parents, often using high-quality, large datasets. With respect to subjective well-being, family life and peer relations, children in joint physical custody were found to do better compared to children of separated parents who only or mostly live with one of their parents (Bergström et al., 2013). In more detail, this study also reported that 15-year olds in joint physical custody were more likely to report levels of wellbeing on par with children living with both parents, compared to 12-year olds. These findings were replicated for psychological problems among children aged 3 to 5, as reported by both parents and the children’s teachers (Bergst röm et al., 2018). Even the proverbial ‘fifty moves a year’, referring to living with both parents on a weekly basis, were found to be positively associated with the psychosomatic well-being of children in comparison to children of separated parents (mostly) living with only one parent (Bergström et al., 2015). The living conditions of children in joint physical custody were found by and large to be on par with children living with both parents, with respect to a wide range of indicators in the areas of economic and material conditions, social relations with parents and peers, health and health behaviours, working conditions and safety in school and in the neighbourhood, and culture and leisure time activities, whereas children living with only one parent tended to score worse on these indicators (Fransson, Låftman, Östberg, and Bergström, 2018; Fransson, Låftman, Östberg, Hjern, et al., 2018). A Norwegian study found that children in joint physical custody did not differ from children of non-divorced parent with respect to externalizing problems (e.g. violent behaviour), internalizing problems (e.g. depressive tendencies), and substance abuse, although their school achievement was lower (Breivik and Olweus, 2006). A study in the Netherlands did not find that children in joint physical custody do better than children in sole custody with respect to their well-being, fear, depression and aggression, but neither that they did worse (Spruijt and Duindam, 2009). Yet, the relationship with both parents is better among children in joint physical custody. In Belgium, like in the countries listed above, joint physical custody is positively associated with the well-being of children (Vanassche et al., 2013). Here, however, it was also found that not all children thrive equally well in this living arrangement, in particular in relation to conflict, poor relationship quality with either parent, or when parents re-partner. Furthermore, adolescents (aged 14-21) with a conscientious personality type, with a focus on being organized, ordered and planful, were found to struggle more with the demands of living in two households (Sodermans and Matthijs, 2014). These findings from detailed country-specific studies are corroborated in studies based on country-comparative datasets. Given the nature of this report, it should be mentioned that these comparative studies also include data on countries outside the EU, but given their consistent design across countries, important lessons can be learned from them. Across 36 countries, children in joint physical custody were able to communicate as well with their mother and better with their father, compared to children living with both parents (Bjarnason and Amarsson, 2011). Moreover, compared to children of separated parents living in other family arrangements (e.g. sole custody), children in joint physical custody experienced better communication with their parents. Based on the same data, joint physical custody was also found associated with children reporting higher levels of life satisfaction compared to children living only with their mother, father, or with step-parents (Bjarnason et al., 2012). Of particular note is that these benefits associated with joint physical custody were only found among families in which the children live nearly equal amounts of time (60%/40% or 50%/50%) with both parents (Baude, Pearson, and Drapeau, 2016). Finally, a number of meta-analyses are reviewed. Meta-analyses synthesize the findings of tens or hundreds of individual studies in a systematic manner, and are often considered the highest quality of evidence. An early meta-analysis of 33 studies between 1980 and 2001 (thus, when joint physical custody was less common than nowadays) found that children in joint physical custody were generally doing better than children in sole physical custody with respect to emotional and behavioural adjustment, family relationships, self-esteem, and divorce-specific adjustment (Bauserman, 2002). Reviewing 18 studies, Nielsen (2011, p. 605) not only reports consistent evidence that the well-being of children in joint physical custody exceeds that of children in sole custody, but also adds that parents do not need to be “especially cooperative, without conflict, wealthy, and well educated, or mutually The situation of single parents in the EUPE 65 9. 87 025enthusiastic about sharing the residential parenting for the children to benefit”. The aspects of positive well-being associated with joint physical custody were later extended to also include emotional, behavioural and psychological well-being, as well as physical health and relations with parents (Nielsen, 2014). Studies that accounted for to the fact that families opting for joint physical custody tend to differ from those who did not with respect to income, conflict or quality of the relationship between parents and their children, still by and large found the same benefits to the well-being of children associated with this family arrangement (Nielsen, 2018).” https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2020/659870/IPOLSTU(2020)659870EN.pdf

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